Victoria Park
Lorsque j'ai commencé à utiliser mon vélo pour rentrer du travail, j'ai commencé à tester différentes routes. Profitant du beau temps quand je le pouvais, je faisais aussi quelques détours pour visiter mon quartier. J'en suis rapidement arrivé à passer par Victoria Park, situé tout près de chez moi. Rouler dans un parc est quand même plus sécurisé que sur la route où en plus il faut rouler à gauche...
Le parc est composé de deux parties, une petite à l'ouest, du côté où j'habite et où je travaille, et d'une plus grande partie à l'est. Une route séparant ces deux parties. Arrivant par la partie ouest, il me faut donc la traverser pour avoir plus de place pour m'exprimer. Lors de mes premières visites, ce n'était que le début du printemps, le froid était encore présent. En rentrant le soir, après avoir fait un tour de parc, je préférais aller me mettre au chaud à l'appart. Puis le beau temps arrive et j'augmente alors mes sorties, je fais un grand tour et un petit, deux grands tours, quatre petits... En augmentant ainsi la dose, je me suis mis à prendre l'habitude de tourner dans le parc tous les soirs.
Le parc étant plutôt plat, j'ai souhaité ajouter un peu de difficulté. Pour réduire les apports en O2, je chante en même temps que je pédale. Forcément je chante faux, mais comme je chante en français, les gens s'en rendent moins compte. Je me suis d'ailleurs fait cette réflexion: si les gens ne connaissent les chansons que par moi, ils vont donc considérer que mon style est le bon, ils croirons donc que je chante juste et que les "vrais artistes" chantent faux. CQFD. Au niveau des chants, c'est pas du haut niveau, en général des chants de l'ASSE, mais aussi des grandes chansons Françaises (Brel, Cloclo, Sardou...), des classiques de mon enfance, et parfois des chansons paillardes.
A force d'y aller, je suis devenu un "habitué du parc". Les gens commencent à me reconnaitre, il faut dire que le vélo noir et vert n'est pas très discret. Et je me suis mis moi aussi à reconnaitre les autres habitués du parc, avec qui on s'échange de temps en temps un sourire, un hello ou un signe de la main. Voici pour vous une liste non-exhaustive des habitués de Victoria Park:
L'ami des animaux: Il vient passer ses soirées assis dans l'herbe, à côté de son vélo, à regarder les gens qui passent. Son surnom est arrivé le jour où je l'ai vu alors qu'il était posé, avec un pigeon installé sur sa jambe.
L'unibrassiste: Un sportif lui aussi, qui vient courir le soir, dans le sens opposé. Supporter de West Ham comme le laisse présager son maillot, on le repère rapidement en raison de l'absence de son bras droit.
Le dépressif: Tous les soirs il est là, sur le même banc, parfois celui d'à côté lorsqu'on le lui pique. Son vélo posé contre le banc, il est toujours avec sa canette de bière et il tire toujours la gueule. Une fois, et ça m'a surpris, je l'ai vu sourire ! Pour dire bonjour à une connaissance.
Le personnel du café: A l'angle du parc, ils me voient passer alors qu'ils servent en terrasse, traversent devant moi pour sortir les poubelles ou font la fermeture du café.
Le hipster: Je ne sais pas trop quel surnom lui donner. Entre clodo et drogué. Son allure tranquille et son salut amical font que je le repère plus facilement.
Le lyonnais: Il n'aurait jamais dû se présenter dans le parc avec un maillot de l'OL (beurk). Je me suis mis à sa hauteur (il courrait) pour lui montrer mon amour pour le maillot vert (et accessoirement mon dégout pour le sien). Puis je partais à fond pour lui mettre un tour et recommencer. Le prévenant d'un dernier tour pour le rattraper, il a alors fui le parc (et ma présence amicale).
La madame et son cargo bike: Présente de nombreux soirs, elle me fait un grand signe de la main ou klaxonne quand j'arrive. Elle est accompagnée d'un gamin qui monte parfois dans le cargo.
La mère et sa fille: je les vois tous les soirs faire des tours de parc en marchant, en se tenant les bras. Les seules qui m'ont lâché un "Shut up", mais pas de quoi me faire arrêter.
Les skatters: Un groupe de cinq jeunes s'entraînent à faire du skate sur la route. Et quand je passe en chantant, la fille se met à danser et essayer de chanter avec moi. Très agréable de la voir faire ça pour moi, j'en profite en roulant doucement à ses côtés et accélérant pour la retrouver plus rapidement.
L'ado qui tape la discut': Avec son VTT, il me voit souvent au parc, et lorsqu'il doit le traverser pour rentrer chez lui, il le fait avec moi pour discuter un peu: "Mais pourquoi tu chantes ?", "Combien de tours tu fais ?"... C'est celui-là qui m'a reconnu lors du FreeCycle du Ride London.
Le parigot: Me répondre "Allez Paris" quand je le croise ne me fait pas plaisir. Mais lui a été traumatisé de m'entendre chanter "Monnet Paquet" à Londres. Alors qu'il se promenait avec sa copine dans le parc, je lui ai un peu gâché sa sortie romantique mais il trouvait ça sympa qu'un mec vienne apporter de la joie dans le parc.
Le rollerman artistique: Tel un Hal dans ses grands jours, il s'entraîne à faire des figures artistiques sur la route, et doit faire attention quand je passe à son niveau, toutes les 4 minutes environ.
La dealeuse: En vélo elle aussi, elle traverse le parc plusieurs fois par jour et me reconnais à chaque fois. Parfois avec un chien, parfois avec deux, et même des fois avec trois, oui elle fait un trafic de chiens.
La pisseuse: En voyant une dame traverser la route devant moi, je lui dit que "ça se fait pas d'aller pisser derrière les arbres." C'est alors qu'elle me répond "Oui, mais c'est agréable !" En français, comme la remarque que j'avais faite. Surprenant sur le coup.
Les footeux: Ils sont toujours au même endroit. L'un amène les plots pour les cages, un autre le ballon et ils récupèrent de joueurs pour faire un foot. Ils m'ont parfois demandé de les rejoindre, mais je suis meilleur en vélo...
La madame au chapeau: Faire du vélo avec un casque, rien d'anormal. Mais faire du vélo avec un casque en forme de chapeau à carreau, c'est plus original.
Allez les bleus: un gamin qui a reconnu que j'étais français et encourageais mon équipe. J'essaie de lui faire changer de refrain pour "allez les verts" mais il a plus de mal.
Le groupe de cyclistes: Lorsqu'un groupe de plusieurs cyclistes, formant un train parfait me double, je me sens obligé de me greffer à l'arrière de celui-ci. Profitant de l'aspiration, je fais moins d'efforts et vais plus vite. Mais ils s'arrêtent au bout d'un tour, je dois reprendre mon chrono individuel.
Le papy: qu'il soit en train de courir, de compter l'espacement des plots ou de jouer au foot, il me fait toujours un signe de la main. Surement celui que je vois le plus souvent.
Les jeunes fans: En passant derrière leur banc en chantant "Ah qu'est-ce qu'on est serrés....", ils ont alors continué avec moi "...au fond de cette boîte...". Au tour suivant, j'ai chanté un peu plus raffiné, avec une chanson paillarde. J'ai alors eu droit à une ovation de ces deux jeunes.
Le personnel du parc: Les habitués que j'aime le moins. Une fois que la nuit tombe, ils viennent fermer le parc, m'obligeant à rentrer chez moi. Et comme la nuit tombe de plus en plus tôt en hiver, ils viennent de plus en plus tôt. Alors qu'en été je ne les ai jamais vus, à l'aube de l'hiver, je les vois tous les soirs, à 19h45 puis 19h30, 19h15, 19h, 18h45...
Le gamin de 3 ans: Un petit garçon blond, tellement mignon lorsqu'il se promène avec sa mère (qui elle aussi est plutôt mignonne). L'ayant croisé plusieurs fois, il s'est mis à me faire des coucou, que je lui rends. Il fait même parfois des checks avec moi ! Le tout sous le regard amusé de sa maman. N'ayant pas les talents de ma mère pour déterminer l'âge des enfants, je l'ai déduit en le voyant marcher avec un ballon d'anniversaire indiquant cet âge (perso j'aurais dit 5).
L'ultra espagnol: Alors que je passe devant lui, il se met à crier quelque chose en espagnol, je ne comprends que "Por favor". En me retournant, je le vois les bras en l'air en chantant fort, tel un ultra, tel que j'aurais pu l'être.
Le joggeur africain: Facilement reconnaissable grâce à son gilet jaune qui contraste avec sa peau très sombre, d'autant qu'il vient à la tombée de la nuit. Plusieurs tours pour lui aussi en sens inverse.
L'incompris: Parmi les réactions des gens, j'ai des sourires, des tentatives d'accompagnement, des rires plus ou moins cachés. Mais celle que j'ai préférée est un mec qui me regardait, l'air perdu, ne comprenant pas, voulant me dire "Mais pourquoi tu fais ça ?"
Le juif: Avec toute sa famille, une kippa sur la tête et les tresses, il m'encourageait à chaque tour, me demandant si je me préparais pour le prochain tour de France. Il me parlait en français, je lui répondais en anglais.
La police montée: De temps en temps ils sont là, à faire un tour de garde à dos de chevaux. J'essaie de ne pas trop chanter en passant à côté d'eux.
La peureuse: Alors qu'elle courait tranquillement et que je la double, elle fait un bond et s'écrie "Oh my God !". Je n'ai pas pu me retenir de rire.
Le marseillais: Un autre qui a reconnu l'ASSE (il m'a vu avec le maillot, ça aide). Supporter de l'OM, où il a vécu proche, il supporte Millwall en Angleterre, mais je le converti aux verts, il regarde maintenant les résultats.
"Vive le roi": C'est la réaction qui m'a le plus scotchée, et que je ne comprends toujours pas. C'est la phrase que m'a dite un passant. Il a compris que j'étais français, mais pourquoi cette phrase ? Et ce n'est pas que j'ai mal compris, il me l'a répété au tour suivant.
Le voisin: Je ne l'ai pas vraiment vu au parc, mais quand je l'ai croisé dans les escaliers de l'immeuble, il m'a demandé ce que je chantais, en me disant de surtout continuer.
La planche: Faire du skate-board, c'est plutôt habituel, mais couché sur la planche c'est plus rare. Et surement moins facile.
La provocatrice: Alors que je roulais tranquillement, elle passe à mon niveau avec un sourire charmeur, et son single speed Foffa. Quand je lui réponds, elle tourne la tête et accélère. Je ne peux pas la laisser faire, je me lance aussi dans un sprint pour la rattraper et la doubler. Malheureusement je ne la vois pas tous les soirs...
Le petit chinois: Régulier depuis le début 2017, je le double alors qu'il court tranquilement avec son sac sur le dos.
Les paparazzi: Forcément, quelqu'un qui chante en vélo, ça attire le regard. D'une manière plus ou moins discrète ils me filment en passant. Je ne manque jamais de faire coucou sur la vidéo. Et eux manquent parfois d'enlever le flash.
Le marcheur: Je le croise au maximum deux fois. Alors qu'il marche d'un bon pas dans le sens opposé pour rentrer chez lui. Il me fait toujours un salut amical.
La vieille: Alors que je roulais vite pour me réchauffer, elle se met au milieu de la route pour m'arrêter. Elle commence alors à me faire la morale, me disant que je suis dangereux à rouler vite, à une heure où les enfants sont dans le parc, me propose donc de venir plus tard ou d'aller ailleurs. Évidemment, je ne l'écoute pas et continue de venir dans mon parc.
Les amoureux: Rien d'anormal à croiser des amoureux dans un parc. Mais lorsqu'ils se tiennent la main en faisant du vélo, c'est vraiment mignon.
Le gamin touffu: Un gamin noir avec une coupe afro comme je les aime. Me voit passer, se moque de moi et s'inquiète quand je ne chante pas.
L'hélicoptère: Ni vraiment habitué, ni vraiment une personne. Mais lorsqu'un hélicoptère de l'amrée se pose et redécolle dans le parc, c'est plutôt impressionnant.
Nairo Quitana: avec son air colombien, son maillot Cannondale, son allure concentrée, il me fait penser à ce cher Nairo.
Les runners: Alors qu'ils courent tranquilement dans le parc, j'arrive par derrière en chantant. Ils se retournent alors pour m'applaudir et battre le rythme.
Le skatter: Avec ses cheveux longs et toute la motivation qui va avec, j'ai réussi à le faire tomber ! Il a perdu l'équilibre en me disant bonjour de la main.
Les groupies: Oui j'ai des groupies ! Des filles qui crient quand elles me voient passer, font la Ola sur mon chemin, des vraies fans.
Les skatters pros: Ils s'entrainent le weekend à faire des slaloms entre des plots. Je suis toujours tenté de les rejoindre mais les plots sont trop rapprochés pour y passer en vélo.
Emma: Elle se met à mon niveau alors que je roule, me regarde en souriant. Évidemment je continue à chanter avec beaucoup d'envie. Lorsque nos routes se séparent, elle m'envoie un bisou. Le soir, j'ai pu la retrouver sur Strava.
Le Merlu: Après la sardine, place au merlu, et croiser un supporter de Lorient à Londres c'est plutôt rare.
Lee et Amy: Deux autre cyclistes qui ont roulé à une allure proche de la mienne. On se faisait la course tous les tours, très bonne sortie.
Les hockeyeurs: Au détour d'un virage, je ne trouve pas seulement des mecs à rollers, mais des mecs qui jouaient au hockey en roller, sur la route.
Le Youtuber: Il tournait une de ses vidéos dans le parc, alors que je passais tranquillement derrière. A retrouver à 6:57, 7:53 et 8:32.
Le rasta: Un autre membre du parc, avec une coiffure de Rasta. La première fois qu'il m'a vu, il a essayé de chanter avec moi. Les fois suivantes, il m'échangeait juste un sourire.
Arron: Un des footballers qui vient parfois en vélo. Il voulait absolument rouler avec moi. Il a par ailleurs un super vélo de chrono Specialized et m'a même proposé de me le prêter pour une journée
Georges: Un skatter de vitesse, avec qui on s'auto-motive à rouler plus vite et plus longtemps. Très agréable de rouler avec lui.
Les fleurs: Parmis les réactions des gens, celle-là sera l'une des plus marquantes. A chacun de mes passages, des gamins me jetent des fleurs, mais au sens littéral, des vraies fleurs.
Le fou: Un mec qui chante en faisant du vélo, reviens tous les soirs dans le même parc, et y fait des dizaines de tours à chaque fois. Ah non, ça c'est moi...
A faire des dizaines de tours tous les soirs, j'en fais des centaines par mois, et on arrive rapidement au millier. J'en aurais fait au total 4 171 ! Mais je ne suis pas le seul fou, j'ai un concurrent sur le KOM des 50 tours !
